Incolore, inodore. [Libre]

One écumait depuis deux semaines déjà Fantasy Horse, laissant ses sabots le mener aux quatre coins du continent, tout en évitant soigneusement les territoires de ses frangins. Sadique, oui, mais pas masochiste, malheureusement. Jusque là, l'étalon noir n'avait rencontré qu'un seul de ses frères, le plus bon, le plus beau, le plus... Bref, Soran. Quant à Amadeus, il semblait voguer sur ses terres, à la recherche de son amour perdu. Un romantique, cet Amadeus. Presque autant que One. A l'instant, l'étalon était plus empreint de nostalgie que de tendres sentiments. Il reconaissait ce désert pour l'avoir maintes fois foulé, et il n'était pas si neutre que l'annonçait son sable blanc pur, parfois teinté de gris argenté. Sa mémoire, excellente, lui renvoyait les images de tout les innocents qui étaient tombés ici. Explosés, atrophiés, disloqués, les cadavres gisaient dans son imagination comme autant de poupée désartibulées. La jambe droite du dominant fut parcourue d'un tic nerveux, comme un besoin nerveux de cogner ses sabots les un contre les autres. Mais, il n'y avait rien à exploser. Le sable ne possédait pas assez de composants pour être exploser, le soleil était inaccesible, tout comme les nuages. Ce serait tellement agréable d'exploser un nuage, même si la substance était sûrement loin de ce qu'il imaginait, à savoir une étrange matière hydrophile, cotonneuse et douce.

L'étalon inspira l'air, captant les odeurs alentour. Il avait toujours eu un odorat dévellopé. L'air été chargé de sable, fines particules vacant dans les airs, mais aussi de la vague odeur des animaux assez hasardeux pour vivre ici. Un scorpion, à trois mètres, un scarabé, plus loin. Même l'odeur vague du sang, écoulé pourtant il y'a des années, imprégnait infimement les lieux. L'odeur du liquide rouge était la plus coriace, celle qui rechignait le plus à disparaître malgré les aléas du temps. One fit quelques pas, narines dilatées comme pour capter un parfum, et eut une sorte de rictus satisfait en sentant une saveur familière, un sang qu'il avait déjà senti, vu, toucher, goûter. Baissant les naseaux au ras du sol, l'étalon s'imprégna tant qu'il pu du parfum agréable, avant de relever finalement les naseaux, jetant un regard de défi autour de lui. Rien. Aucune menace. L'envie d'exploser une chose était encore présente, ses boulets fourmillaient étrangement. Il ce frotta le canon contre la jambe, gêné par la sensation.

Puis il respira encore, tenta avec timidité. Rien.
Cela exaspéra l'étalon noir, qui colla ses naseaux contre sa jambe, inhalant bruyamment. Rien. Rien. Rien. L'étalon ne dégageait pas d'odeur. Les relents brefs des choses qu'il avait touché, frôlé, mais rien qui ne concerna une odeur. Son odeur. Les poils, la peau, l'essence de One était inodore. Oh, il avait de maintes fois essayer de trouver son odeur, avait renifler partout son corps, avait paniqué. Jeune yearling à l'époque, il c'était mis à hurler et à tempéter, une activité régulière à ce moment de son existence. Puis, le poulain noir s'était affalé au sol, avait renifler bruyamment, et avait décrété que ce n'était pas grave, tout en fixant le ciel azur.
Pas grave.
Mais agaçant.

One sentit soudain quelque chose rentrer en contact avec ses sabots. Quelque chose de dur. Manquant de tomber à la renverse, le fier sadique jura, dans un mouvement d'humeur, puis ce redressa, jetant un regard noir à la chose qui avait eu l'outrecuidance de l'insulter. C'était une chose blanche. Enfouie dans le sable. Poli, le machin. Brillant au soleil. L'étalon soupira, exaspéré, et flanqua un coup de sabot prudent à l'objet, prenant garde de ne pas éraflé ses précieux tatouages. La chose remua, sauta du sable comme un diable de sa boîte, et observa de ses deux orbites vides l'étalon noir.

-COOOUUUAAARRRGH !

Il était rare que One est peur, est même si cela n'avait duré qu'un instant, c'était suffisant pour le traumatiser un mois entier. A ses sabots, un crâne chevalin, blanc comme tout squelette, le fixait, maussade. L'étalon, qui avait reculé précipitamment à la vue du reste équin, reprit son souffle en maudissant sa couardise. Si quelqu'un l'avait vu, sa réputation serait fichue. Il imaginait clairement Soran venir vers lui au ralenti, des étoiles plein les yeux, son fameux sourire aux lèvres. Puis, la créature cauchemardesque baverait aux pieds du pauvre One, devenu rose, et lui déclarerait avoir toujours su que, dans le fond, il était doué de sentiments...

Le dominant des terres de L'Est eut une grimace, tapota le crâne du sabot.

» Anticonditionnel. [Libre]